Mazel tov !

 

Mes cours particuliers dans une famille juive orthodoxe

 

Margot Vanderstraeten

Traduit du néerlandais par Isabelle Rosselin

 

Pendant six ans, l’auteure a apporté un soutien scolaire aux enfants des Schneider. Par l’intermédiaire de leur fille Elzira et de leur fils Jacob, elle a eu progressivement accès à leur monde juif orthodoxe fermé, régi par des lois religieuses et des traditions séculaires qu’elle a eu du mal, en tant qu’étudiante, à concilier avec son époque : les années quatre-vingt-dix.

Peu à peu, de part et d’autre, le respect, la curiosité et l’humour l’a emporté sur l’indignation et le rejet. Lorsque les enfants auront terminé leurs études secondaires, l’auteure leur rendra visite plus tard en Israël et à New York. Mazel Tov donne un aperçu unique, pénétrant, du monde inconnu de l’autre, pourtant si proche.

Un succès fou en Belgique, aux Pays-Bas et en Pologne. Livre préféré de la Reine Mathilde. 'Mazzel Tov a changé ma vie, Wow! ( sur la version originale, 2017).

QUATRE

 

Je passai la première demi-heure assise en face de Monsieur Schneider dans une pièce appelée le « bureau » située au rez-de-chaussée, à l’arrière de la maison, juste après l’ascenseur.

  Un ascenseur ! J’ignorais qu’on fût capable de telles folies : des gens vivant en ville, des gens sans handicaps physiques, se faisaient installer chez eux un ascenseur.

  L’épaisse moquette blanche où s’enfonçaient mes pieds me fit forte impression. Ma mère préférait le carrelage : on pouvait récurer le sol en un rien de temps en versant dessus un seau d’eau avec du détergent. Alors que, dans cette maison, on tapissait les passages d’une moquette blanche à poils longs.

  Sur un mur du couloir je vis clignoter des images vidéo : des vues de la rue sous différents angles. Un passant aux contours vagues s’éloignait. Quelqu’un glissait des dépliants publicitaires dans les boîtes aux lettres.

  Le bureau était meublé d’une table de travail et d’une bibliothèque dont seule une étagère était remplie de livres. Je reconnus aussitôt les dos des frères Bescherelle et du Petit Robert. Les autres ouvrages étaient en hébreu, des recueils religieux ai-je supposé, du moins à en juger par leur aspect, d’épais volumes au dos de cuir couvert de lettres et d’ornements dorés.

  Les fenêtres, qui s’élevaient du sol au plafond, donnaient sur un jardin intérieur dont un bassin enjambé d’une passerelle – en plein centre ville ! – constituait l’élément principal. En bordure de la grande terrasse en marbre qui conduisait au jardin se dressait un poteau coiffé d’un filet de basket et, plus loin, une structure métallique peinte en rouge vif supportait une balançoire. Le gazon était parfaitement entretenu : une herbe d’un vert intense, fraîchement tondue.

  Monsieur Schneider était un homme grand et svelte. Il portait un costume sombre, une chemise blanche et une kippa bleu foncé. Il n’avait pas de papillotes et sa barbe noire grisonnante et duveteuse ne faisait pas bavoir entre son menton et sa poitrine, mais restait proche de l’épiderme.

  Monsieur Schneider parlait d’une voix puissante un néerlandais agrémenté d’un accent français plus léger que celui de son épouse. Il ressemblait un peu à mon père, mais il avait des sillons plus profonds sur le front et autour des yeux. Certaines personnes n’ont jamais de couleurs aux joues. De toute évidence, Monsieur Schneider en faisait partie. Sa peau semblait diffuser en permanence une lueur gris pâle. Les seuls éléments de son visage qui lui donnaient une couleur étaient la moustache et la barbe encadrant sa bouche.

  — On ne le fera qu’une seule fois, d’accord ? demanda monsieur Schneider après notre poignée de main.

Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire. Il retira son manteau, qu’il suspendit lentement au dossier de sa chaise, en prenant soin de bien placer les épaules aux coins. Il m’invita à m’asseoir.

» Si vous me tendez la main, je dois la serrer, Mademoiselle, précisa-t-il, sans doute en constatant ma confusion à l’expression de mon visage. Parce que je vous respecte et que je respecte vos usages, n’est-ce pas. Mais par mesure de sécurité, nous, les juifs orthodoxes, nous ne serrons jamais la main d’une femme. C’est une question de pureté, entre autres. Mais nous n’allons pas aborder ce sujet maintenant. Ce serait bien que vous appreniez à respecter nos usages.

  Je lui souris. D’un air godiche, je suppose. Je regardai ma main droite en me demandant ce qu’elle pouvait avoir d’impur. J’avais certes du Tipp-Ex sur les doigts.

  Sur une vaste étagère de la bibliothèque était posé, entouré de trois boîtes rondes en carton, un chapeau noir au large bord rigide. Je venais de dénicher le même genre de boîte à Borsalino au marché aux puces : j’y avais rangé toutes les lettres personnelles que j’avais reçues dans ma vie.

  Monsieur Schneider se lança dans un monologue, qui ne me laissait pas la moindre possibilité de prendre la parole, et, quand je tentais de lui poser une question, il tolérait mon interruption comme le font les politiciens lors d’un débat télévisé : après l’intermezzo, il reprenait imperturbablement le fil de son discours.

  — J’ai quatre enfants formidables, disait-il, deux fils exemplaires et deux filles tout aussi exemplaires. Ils sont différents tous les quatre, ce qui est logique. Je vais d’ailleurs essayer de vous exposer cette logique.

  Je pensai : oh non ! pitié, les enfants exemplaires m’insupportent, je n’arrive pas à établir de relations amicales avec eux, je les repère souvent de loin, je détecte leur exemplarité à leurs chaussures, à leur démarche et à leur regard ; à la position de leur menton, on mesure leur obéissance.

  » Simon est notre aîné, commença Monsieur Schneider. Il a seize ans maintenant. Il ressemble, de caractère je veux dire, beaucoup à sa mère, mon épouse. Il est à la fois doux et endurant, vous comprenez ? Vous comprendrez quand vous rencontrerez mon épouse. Un travailleur acharné qui préfère se taire plutôt que de parler, voilà ce qui le définit, mais n’allez pas le sous-estimer, il a le cœur et la langue bien affûtés.

Ce furent ses mots. Je ne pus m’empêcher de sourire.

  » Quand Simon ouvre la bouche, mademoiselle, ce n’est pas pour jacasser, mais parce qu’il a quelque chose à dire, vous me comprenez. N’importe : vous n’aurez pas à vous occuper beaucoup de lui, il étudie les mathématiques et les sciences. Simon a choisi une orientation scolaire trop compliquée et spécialisée pour vous, vous avez le don des langues à ce que j’ai compris, vous avez un autre cerveau, n’est-ce pas, vous ne pourrez aider notre Simon que pour deux matières, le français et le néerlandais, qui sait peut-être aussi pour l’histoire et la géographie. Notre fils aîné fera savoir lui-même s’il veut faire appel à vous. Mais s’il a besoin de vous, nous voulons qu’il puisse lui aussi compter sur vous, n’est-ce pas.

  — Certainement, ai-je répondu.

  — Jacob est notre deuxième enfant, poursuivit-il. Nous avons eu un garçon après l’autre et deux filles, vous savez. Cela n’aurait pas pu mieux se passer. D’abord les fils. Puis les filles. Nous sommes bénis, mon épouse et moi. Jacob a treize ans, il en aura quatorze le mois prochain. Mon portrait craché : un frimeur, très populaire au collège. Je peux le dire, j’étais exactement comme lui. Jacob a beaucoup d’amis, comme moi autrefois. Il a le contact facile. Un garçon sociable. Nous devons veiller à ce qu’il n’établisse pas trop vite des contacts, avec les filles entre autres, si vous voyez ce que je veux dire. Autrefois, j’ai attendu patiemment mon moment. Mais mon épouse et moi nous sommes mariés dans les années soixante-dix. Depuis cette époque, tout a changé, le monde va trop vite, et Jacob aime aller vite. Il est très éveillé. Il lui faut sans cesse tester des choses nouvelles et il adore le suspense. Il va donc tester ses limites, se lancer des défis. Je ne sais pas si Jacob aura besoin de vous. Il n’en fait qu’à sa tête. Mais nous aimerions tout de même que vous lui fassiez régulièrement réviser. Il a besoin d’apprendre à respecter une discipline. Vous devrez vous montrer sévère avec lui, mais pas trop, trouvez le juste milieu.

  Je hochai la tête énergiquement, en proie à un léger ennui. J’aurais préféré voir ses fils, ces garçons exemplaires, plutôt que d’écouter leurs louanges, mais je n’osais pas le lui dire.

  » Vous avez déjà vu Elzira et Sara, poursuivit Monsieur Schneider.

  Je m’aperçus que je hochais de nouveau la tête.

  » Elzira est notre fille aînée, Sara notre petite dernière. Elzira aura douze ans en août. Elle a à peine deux ans de moins que Jacob. Et je ne le dirai jamais tout haut en leur présence, mais Elzira est plus maline que ses deux frères réunis. Seulement, elle ne peut pas se concentrer longtemps, elle devient vite nerveuse et cela nous préoccupe.

  Il s’interrompit un instant. Un jeune de grande taille marchait dans le jardin.

  » À l’école, on nous a conseillé de lui faire passer des tests psychologiques, ce que nous avons fait. Elle n’a aucun problème. Elle est juste un peu différente.

  Il s’interrompit de nouveau.

  » Vous devrez consacrer plus de temps à Elzira, notre fille manque de confiance en elle, vous savez, comme toutes les adolescentes, bien sûr. Elle est très hésitante, et Simon et Jacob sapent le peu de confiance qu’elle a en elle, même si nous nous efforçons d’en dissuader nos garçons, bien sûr. Par exemple : Jacob refuse de jouer aux échecs avec Elzira, alors que ce n’est pas une mauvaise partenaire. Il refuse parce qu’il sait d’avance qu’elle renversera la moitié des pions…

Il se tut, fixant son regard droit devant lui, pendant au moins trente secondes. Cette demi-minute dura longtemps.

  » Je vais vous le dire, en toute confiance : Elzira est dyspraxique, le diagnostic a été officiellement établi. Je ne sais pas si vous connaissez cette affection. Son handicap – mais nous n’employons jamais ce terme en sa présence – n’a rien à voir avec son intelligence, n’est-ce pas. Régulièrement, sa motricité s’emballe, c’est tout. Elle est incapable d’effectuer des mouvements précis et elle a des problèmes d’équilibre et de coordination. Et aussi des trémulations, comme les gens atteints de la maladie de Parkinson, n’est-ce pas. Ses mains se mettent parfois à trembler, elle ne peut pas contrôler ses muscles, elle laisse tomber beaucoup d’objets et peut donc donner l’impression d’être maladroite ; en fait, la communication entre une région de son cerveau et une autre ne se fait pas toujours rapidement, c’est comme un court-circuit, voilà comment vous devez vous représenter la chose, mais cette maladresse n’a rien à voir avec une déficience intellectuelle, n’est-ce pas, je le répète, je ne le dirai jamais assez, son esprit fonctionne parfaitement bien.

  Je m’étais redressée sur ma chaise car Monsieur Schneider s’était mis à parler de plus en plus vite, et disait de plus en plus souvent « n’est-ce pas ».

  » Vous savez bien entendu, Mademoiselle, qu’une personne, ne peut s’épanouir sans confiance en elle, motivation ou ambition. Eh bien, nous craignons que notre fille, en raison de ladite infirmité, ne se replie sur elle-même et ne devienne anxieuse. Il ne faut pas qu’elle reste à la traîne dans sa classe. Cela ne lui rendrait pas justice. Nous ne voulons pas qu’elle souffre. Nous ne voulons pas qu’elle devienne un sujet de conversation. Voilà votre principale mission : vous montrer patiente envers Elzira, lui permettre d’exceller. »

  Ses yeux s’étaient embués et il toussait entre les phrases, sans pour autant diminuer son débit.

  » Enfin, last but not least : Sara, sans h. Sara n’a que huit ans. Elle est très douée en gymnastique, souple comme un serpent. Nous ne savons pas de qui lui vient ce talent étrange et inutile, pas de moi en tout cas, et mon épouse a certes de nombreux talents, mais la souplesse physique n’en fait pas partie. Si cela ne tenait qu’à Sara, elle passerait sa vie à faire du sport. C’est naturellement impossible, pas chez nous. Nous ne souhaitons en aucun cas l’encourager dans cette voie. Quand bien même elle aurait un potentiel de championne du monde de gymnastique. Nous voulons qu’elle développe sa pensée. Elle n’a que huit ans. Mais bientôt, elle en aura dix-huit, vous comprenez, je suppose que vous me comprenez. »

— Oui, m’entendis-je répondre.

— Pour plus de sûreté, mademoiselle, je vais résumer ce que nous attendons les uns des autres : nous de vous, nos enfants de vous, nous tous les uns des autres, poursuivit-il. Nous vous confions nos fils et nos filles. Et vous leur donnez votre attention. Vous les aidez à faire leurs devoirs. Vous êtes leur tutrice. Vous suivez leur programme de cours et vous vous y tenez. Vous veillez à ce qu’ils réussissent brillamment, n’est-ce pas. Et nous vous rémunérons pour tous vos efforts, vous faites une liste de vos activités, vous y inscrivez vos heures de travail en décrivant à côté, par des mots clés, des keywords, ce que vous avez fait pendant ces heures, c’est d’accord ? Pouvons-nous, mon épouse et moi-même, compter sur vous ?

  J’eus une sensation de vertige. Après avoir écouté la litanie de monsieur Schneider, j’avais besoin d’air frais du dehors. L’atmosphère dans la petite pièce était devenue confinée. Sur un large balcon à l’étage un peu plus loin, une femme secouait un torchon. Je pris conscience que Monsieur Schneider avait toujours parlé de son épouse sans jamais dire « ma femme ».

  Je changeai de position sur ma chaise. J’avais envie de les rencontrer tous les quatre. De parler avec Mini et Maxi. Et de voir en chair et en os ces fils fantastiques. J’aurais voulu aussi que Monsieur Schneider me pose quelques questions. Je n’avais pas répété pour rien une série de réponses à des questions imaginaires : Que pensez-vous de votre salaire, quels sont vos points forts et vos points faibles, avez-vous une bonne maîtrise des langues, et expliquez-moi pourquoi vous pensez être la personne qu’il faut à nos enfants…

  Monsieur Schneider reprit la parole. Il laissa entendre que j’avais déjà l’emploi et que je devais commencer tout de suite. Je fus révoltée par sa façon de prendre une décision sans me demander si le travail me convenait. Je me dis qu’il était temps de rentrer chez moi. Je m’apprêtais à me lever quand on frappa à la porte. Une femme, un tablier noué autour de sa taille rondelette et les cheveux dissimulés sous une petite coiffe à carreaux, entra, en portant un plateau. Elle posa devant nous deux tasses de café fumantes et deux parts triangulaires de gâteau au fromage blanc, puis disparut sans un mot.

  — Vous connaissez l’histoire de Moos qui, sur son lit de mort, fait venir auprès de lui son associé Amos ? demanda soudain monsieur Schneider.

Et il commença à la raconter. Moos à l’article de la mort ne veut pas disparaître sans avoir demandé pardon à son associé Amos pour certains faits.

  » « Tu te rappelles quand notre première entreprise a fait faillite ? C’était ma faute, Amos, et je le regrette. J’ai trafiqué les comptes. J’ai fraudé et détourné de l’argent.

  – Je te pardonne, Moos, lui dit Amos d’un ton apaisant.

  – Et cette voiture totalement esquintée une nuit, reprend Moos. C’était moi, Amos, je ne portais pas mes lunettes et j’avais trop bu…

  – N’en parlons plus, dit Amos.

  – Et la fois où il manquait cent mille francs dans le coffre : c’est moi qui ai pris l’argent, il fallait que je règle les dettes de jeu de mon fils.

  – Ah, dit Amos, ne t’en fais pas, Moos, je te pardonne tout ça. Parce que tu sais quoi ? L’arsenic qui va causer ta mort dans une heure, c’est moi qui l’ai mis dans le café que tu as bu au petit déjeuner. »

  Après cette bonne blague, monsieur Schneider s’esclaffa. Comme il continuait de me regarder plein d’espoir, je me sentis obligée de rire aussi.

  » Il faut que je vous laisse maintenant, dit-il aussi abruptement qu’il avait commencé à raconter sa plaisanterie.

Il n’avait pas touché à sa part de gâteau.

Il se leva, réajusta sa kippa maintenue sur son crâne par une épingle glissée dans ses cheveux ondulés, et remit son manteau. Sur sa chemise étaient apparues aux aisselles des auréoles de transpiration.

  » Mon épouse va bientôt venir vous parler. Tous mes vœux de réussite.

  Par automatisme, je lui tendis la main, qu’il serra chaleureusement.

  Je me serais giflée !

 

 

Copyright © Margot Vanderstraeten / Presses de la Cité

 

L’Express, Hebdo, du 6 au 12 novembre 2019. p. 28-29. www.lexpress.fr

RÉCIT Mazel Tov!  16/20

‘Un témoignage qui résonne comme un traité de bonne intelligence et de respect de l’autre.’ M.P.

https://www.lexpress.fr/culture/margot-vanderstraeten-elise-karlin-et-sylvie-epelboin-manon-heugel-et-kim-consigny_2105136.html

 

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L’Avenir, Magazine. Mercredi 30 octobre 2019. www.lavenir.net

LIVRE Mazel Tov! ★★★★★

‘Dans le quotidien de Juifs orthodoxes.

Dans un roman… qui n’est pas vraiment de fiction, Margot Vanderstraeten dévoile la vie d’une famille juive orthodoxe.’

Par Philippe Ruth, 

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L’avis de Lyane A:

Un après-midi d’automne et un titre qui m’interpelle : Mazel Tov !

Je remercie Net Galley et les Presses de la Cité pour m’avoir permis de découvrir ce livre dès
sa sortie. J’ai ressenti le choc des cultures dès les premières lignes.

Le ton est donné par la couverture qui ne me laisse pas indifférente et que je juge après lecture
complètement adaptée au monde qui nous est décrit. Quel est-il ? Qu’est le monde des juifs
orthodoxes, ghettoïsé par leur volonté déterminée, et qui embrasse toutes les nations ? J’avoue
n’avoir jamais cherché à le découvrir car se résumant, pour moi, au passé, à l’horreur et à la
culpabilité. L’occasion m’a été donnée de vivre, par auteur interposé, la vie d’une famille des
années 1990 ; j’ai foncé et je n’ai pas été déçue !

Quel brio dans le déroulé des actions ! Quelle perspicacité dans le choix des témoignages !
Quelle qualité dans l’accompagnement du libre arbitre du lecteur ! Quelle prouesse de décrire
sans juger !

J’ai suivi Margot dans les entrelacs des certitudes juives et certaines règles frisant le ridicule,
ses interrogations face aux situations ordonnées, ses envies de faire néanmoins partie de ce
monde sans frontières. Tout au long du livre, elle nous fait vivre les émotions partagées avec
la famille juive qui l’a accueillie et lui a donné sa confiance pour l’éducation des quatre
enfants. De leur adolescence à leur vie d’adulte, nous les regardons vivre, grandir, fonder une
famille et tout ceci dans un mélange d’environnement codifié et d’esprit ouvert sur leurs
besoins personnels.

C’est un livre qui m’a séduit et que je conseille. Il est bien écrit, bien documenté, contient de
belles phrases telles que : elle s’était débarrassée de sa noirceur ou je ne comprenais pas
cette attirance pour des mœurs bibliques. Je ne saisissais pas pourquoi des gens se rendaient
la vie si difficile.

En lisant, j’étais au cœur des réseaux d’aujourd’hui, je les découvrais à l’intérieur des vies
normales, j’en percevais la force, je comprenais que tout intégrisme religieux abrite en lui la
part du diable.

Ce livre ne quittera pas mon esprit ; il est fait de respect et de tolérance, il prône le bien-vivre
ensemble. Un livre qui interpelle. Un bon moment autour de la liberté d’être.

C’est un best-seller dans les pays voisins ; il va le devenir en France.

https://lalectricecompulsive.home.blog/2019/10/22/mazel-tov-de-margot-vanderstraeten-service-presse/?fbclid=IwAR3aeltIKFLfs6L7we1U9p47IMjuHnGwZME0h7Oo3q6Y2QSMMEtHLmXMrjg 

 

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SagnesSy  13 novembre 2019

 

★★★★★

« Un portier tient la porte à un client orthodoxe d’apparence proprette sortant de l’hôtel les cheveux mouillés. Vous avez pris une douche? l’interroge le portier pour le complimenter. – Non, pourquoi ? demande le juif, il vous en manque une ? »
Les Schneider engagent Margot pour apporter un soutien scolaire à leurs quatre enfants. Ils se sont rencontrés en 1987, en 2017 ils se voient toujours. Des amis de trente ans, ça n’est pas rien. Pourtant, Margot Vanderstraeten se tient toujours un pas sur le coté de la famille qu’elle appelle ici Schneider (qui n’est pas leur vrai nom), une famille juive orthodoxe moderne. Moderne parce que pas haredim (Craignant-Dieu), pas ultra-orthodoxe, leur observation des règles (principes ? lois ? Je marche sur des oeufs parce que j’ignore les dénominations exactes) n’est pas totale, que certains arrangements sont toujours possibles, madame par exemple ne porte pas la perruque. Orthodoxe cependant, c’est-à-dire soumise à une pratique religieuse stricte, mais immergée dans le monde moderne. Ils vivent à Anvers, ville belge flamande. Margot raconte…
Margot Vanderstraeten est une journaliste qui a déjà écrit plusieurs romans, et qui propose ici un récit qu’on sent maîtrisé. Elle a mené sa propre réflexion sur les sujets qu’elle évoque, qui ne se résument pas à nous raconter la façon de vivre, certes différente de la nôtre, d’une famille juive orthodoxe. Car Margot fait des études de langue, vit avec un réfugié iranien et n’hésite pas à voyager, sa vision du monde et des choses est grand angle. Posant en filigrane quantité de questions fort pertinentes (qu’est-ce qu’une nationalité ? L’endroit où l’on vit influe-t-il sur notre personnalité ? Entre autres…), elle nous invite à partager son parcours après des Schneider, ses étonnements, agacements, rejets, mais aussi l’indéfectible lien qui se tisse lentement entre eux.
Est-ce qu’on peut réellement comprendre cette façon de vivre quand on n’est pas juive soi-même ? Sans doute jamais vraiment.
Cela participe à la fascination qui s’exerce et on découvre les érouv, les schadchen, les doubles cuisines (ou la feuille d’aluminium entre les poêles) (entre autres) avec une immense curiosité.
Un récit que j’ai beaucoup apprécié et qui compte en prime beaucoup d’humour.

https://www.babelio.com/livres/Vanderstraeten-Mazel-Tov-/1168747/critiques/2064439?id_edition=1369430